lundi 18 mai 2009

Controverses. Photographies à histoires



Jusqu'au 30 mai se tient l'exposition Controverses à la BnF Richelieu de Paris. Elle propose un parcours à travers 80 clichés qui ont marqués l'Histoire et les esprits de 1840 à 2007. Du simple portrait, à la photo de guerre, en passant par l'image de mode ou à la conception contemporaine, on découvre les raisons qui font que ses épreuves sont à l'origine de nombreux débats et procès. Une courte explication accompagne chacune de ses images et évoque les contextes qui ont donné lieu à de grandes polémiques.

Christian Pirker, avocat au barreau de Genève et Daniel Girardin, conservateur au Musée de l'Elysée de Lausanne, tous deux commissaires de l'exposition ont opté pour un circuit neutre et chronologique. Certaines images sont tirées dans un format plus grand que d'autres, mais la force de ces clichés les place presque toutes au même niveaux. Le but est ici de s'interroger sur le rôle, le statut et les limites de l'image photographique. Jusqu'où le photoreporter peut-il aller sans être accuser de voyeurisme ou encore de non-assistance à personne en danger? A qui appartiennent les droits d'auteur? A l'artiste et sa performance immortalisée ou à l'auteur du cliché? Comment photographier le corps nu d'un enfant sans y voir une tournure pédophile? Les clichés exposés interpellent notre sensibilité et notre rapport à une image fictive ou réelle qui sont étroitement liés à l'évolution de notre société.

Depuis sa création à nos jours, on s'interroge sur la notion d'éthique dans la photographie. Si celle-ci choque encore, c'est sans nul doute dû au réalisme de l'image travaillée ou prise sur le vif. A l'inverse de la peinture, il est plus difficile de se détacher d'une composition picturale quand on sait qu'elle a exister avant d'être fixer sur négatif. Doit-on témoigner d'un drame populaire si l'image risque de choquer l'opinion publique? Était-ce manquer de respect à la petite Omayra Sanchez que de la prendre en photo sachant sa mort imminente ou davantage un devoir de mémoire?

Outre la question d'éthique, le procédé photographique déclenche de nombreuses discussions. Une image photographique peut-elle toujours prétendre au titre d'œuvre d'art? Qu'est ce qui fait d'un cliché une création originale plutôt qu'une reproduction purement technique d'un instant précis? En 1882, Napoléon Sarony réalise un portrait d'Oscar Wilde. Pour obtenir les droits d'auteur il expliquera devant le tribunal en quoi la mise en scène, le choix des lumières et des costumes font de cette photographie une œuvre originale.

En 1999, la parution du livre L'Autre, qui regroupe la série de portraits « volés » dans le métro parisien par le photoreporter Luc Delahaye, relance le débat sur le droit à l'image. Un homme qui se reconnaît sur une des photographies porte plainte pour utilisation de son image à des fins commerciales. Le tribunal tranche en faveur de l'artiste qui réalise selon lui « un témoignage sociologique et artistique particulier sur le comportement humain ». Cette notion très contemporaine du droit à l'image pose de nouveaux problèmes aux artistes qui doivent redoubler de prudence dans leur travail afin d'éviter toutes formes de procès.

C'est un pari réussit pour l'exposition Controverses qui présentent sans démesure des images qui ont bouleversé et choqué plusieurs générations. On pouvait craindre une mise en scène trop provocante et voyeuriste mais le fond épouse la forme. Le discours n'est pas moralisateur ou hypocrite, il tend simplement à montrer comment l'image est perçue et habilité par une société en constante évolution. Sans aucune prétention exhaustive, les commissaires de l'exposition ouvrent le débat sur le statut de l'image, sa représentation et son interprétation. Là, réside peut-être le point faible de cette exposition, qui en voulant aborder trop de thèmes différents, amalgame des photographies très sensibles telles que la petite fille mourante de faim prise par Kevin Carter à d'autres plus anecdotiques comme la barbie sodomisée par un batteur de cuisine de Tom Forsythe.

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