lundi 25 mai 2009

La folie Mad Men


Diffusée aux États-Unis depuis 2007 par la chaîne AMC, la série Mad Men a réussie en deux saisons à s'imposer comme le nouveau modèle de fiction historico-social que tout le monde attendait sans le savoir. Les critiques n'avaient pas été autant élogieuses et unanimes depuis l'arrêt des Soprano. Simple coïncidence, le créateur de Mad Men n'est autre que Matthew Weiner, un des anciens scénaristes et producteur exécutif des aventures du célèbre mafieux Tony Soprano.
Pour sa nouvelle fiction, M.Weiner se penche sur le quotidien d'une agence publicitaire, la Sterling Cooper, et de ses employés au tout début des années 60. Ces publicitaires ambitieux et prétentieux, surnommés à l'époque les « mad men » symbolisent à merveille l'apogée du capitalisme d'après guerre. Ils peuvent presque tout s'offrir; un vaste appartement au cœur de Manhattan ou une maison confortable dans la banlieue chic et ennuyeuse, une belle voiture, des cours d'équitation pour madame, et des maîtresses en abondance pour monsieur.
Pour l'élaboration des campagnes et des slogans publicitaires ils tirent leur inspiration des longues heures passées à boire du whisky tout en fumant cigarette sur cigarette. Si elle ne vient toujours pas, ils demandent aux secrétaires leur opinion sur les produits conçus spécialement pour la gente féminine. Parmi elle, on retrouve Peggy Olson la secrétaire de Donald Draper, le séduisant directeur créatif de l'agence, qui se démarque par sa créativité et son physique particulier. Elle incarne la femme carriériste qui peine à être reconnue dans un milieu machiste et misogyne où la femme ne doit pas avoir d'autre ambition que d'être mariée et mère au foyer.
La série pointe tout en nuance les failles d'un système économique qui pousse à la consommation sans pour autant combler les vides intérieurs. La sublime Betty, épouse de Don Draper, mère de deux enfants, une fille et un garçon, semble mener la vie parfaite sous ses magnifiques traits de Grace Kelly. Pourtant, la vérité qui est tout autre, se dévoile au fur et à mesure des deux saisons pour laisser place à une femme forte, brûlante d'indépendance et désirs enfouis. Elle sombre petit à petit dans une violente solitude et une douce folie qui l'amène jusqu'à tirer sur les pigeons de son vieux voisin râleur. Son mari lui ne voit rien. Il est trop occupé à passer du bon temps avec ses maîtresses où à parcourir, seul à son bureau, ses douloureux souvenirs qu'il dissimule. Tout comme Betty, Don semble avoir tout pour être heureux. Leur couple est d'ailleurs un modèle de perfection physique. Mais dans Mad Men il ne faut jamais se fier aux apparences. La secrétaire en chef, à l'allure de la femme fatale indépendante, mais au fond d'elle se cache un profond romantisme et des rêves de mariage. Un créatif d'origine italienne au physique viril qui fait craquer les femmes refoule de toutes ses forces ses penchants homosexuels. Le jeune publicitaire tout juste marié à une fille de bonne famille aime secrètement « le vilain petit canard » de l'agence.
Tous ces personnages ont pour objectif de vendre le rêve de l'American way of life mais ils sont incapables de savoir à quoi ils aspirent. Le poids de leur solitude les empêches d'entendre l'autre et de répondre à ses besoins. Une société individualiste, qui s'appuie davantage sur le paraître que sur l'être, se révèle lentement dans Mad Men. Les personnages se croisent et déambulent comme de tristes pantins prisonniers du temps et de leur condition. Souvent filmés de dos, leurs silhouettes se découpent dans un espace vide qui fait échos à leur solitude. Dès le très beau générique inspiré de ceux de Saul Bass (Vertigo de A. Hitchcock), on sait que la chute est inévitable. Un personnage en costume tombe lentement du haut des buildings pour se perdre dans des illustrations de femmes, d'alcool, de famille, etc... Les personnages de Mad Men possèdent la même beauté fictive que ces images et finiront sans aucun doute par se perdre définitivement dans ce trop-plein d'artifices et de faux-semblant.

lundi 18 mai 2009

Controverses. Photographies à histoires



Jusqu'au 30 mai se tient l'exposition Controverses à la BnF Richelieu de Paris. Elle propose un parcours à travers 80 clichés qui ont marqués l'Histoire et les esprits de 1840 à 2007. Du simple portrait, à la photo de guerre, en passant par l'image de mode ou à la conception contemporaine, on découvre les raisons qui font que ses épreuves sont à l'origine de nombreux débats et procès. Une courte explication accompagne chacune de ses images et évoque les contextes qui ont donné lieu à de grandes polémiques.

Christian Pirker, avocat au barreau de Genève et Daniel Girardin, conservateur au Musée de l'Elysée de Lausanne, tous deux commissaires de l'exposition ont opté pour un circuit neutre et chronologique. Certaines images sont tirées dans un format plus grand que d'autres, mais la force de ces clichés les place presque toutes au même niveaux. Le but est ici de s'interroger sur le rôle, le statut et les limites de l'image photographique. Jusqu'où le photoreporter peut-il aller sans être accuser de voyeurisme ou encore de non-assistance à personne en danger? A qui appartiennent les droits d'auteur? A l'artiste et sa performance immortalisée ou à l'auteur du cliché? Comment photographier le corps nu d'un enfant sans y voir une tournure pédophile? Les clichés exposés interpellent notre sensibilité et notre rapport à une image fictive ou réelle qui sont étroitement liés à l'évolution de notre société.

Depuis sa création à nos jours, on s'interroge sur la notion d'éthique dans la photographie. Si celle-ci choque encore, c'est sans nul doute dû au réalisme de l'image travaillée ou prise sur le vif. A l'inverse de la peinture, il est plus difficile de se détacher d'une composition picturale quand on sait qu'elle a exister avant d'être fixer sur négatif. Doit-on témoigner d'un drame populaire si l'image risque de choquer l'opinion publique? Était-ce manquer de respect à la petite Omayra Sanchez que de la prendre en photo sachant sa mort imminente ou davantage un devoir de mémoire?

Outre la question d'éthique, le procédé photographique déclenche de nombreuses discussions. Une image photographique peut-elle toujours prétendre au titre d'œuvre d'art? Qu'est ce qui fait d'un cliché une création originale plutôt qu'une reproduction purement technique d'un instant précis? En 1882, Napoléon Sarony réalise un portrait d'Oscar Wilde. Pour obtenir les droits d'auteur il expliquera devant le tribunal en quoi la mise en scène, le choix des lumières et des costumes font de cette photographie une œuvre originale.

En 1999, la parution du livre L'Autre, qui regroupe la série de portraits « volés » dans le métro parisien par le photoreporter Luc Delahaye, relance le débat sur le droit à l'image. Un homme qui se reconnaît sur une des photographies porte plainte pour utilisation de son image à des fins commerciales. Le tribunal tranche en faveur de l'artiste qui réalise selon lui « un témoignage sociologique et artistique particulier sur le comportement humain ». Cette notion très contemporaine du droit à l'image pose de nouveaux problèmes aux artistes qui doivent redoubler de prudence dans leur travail afin d'éviter toutes formes de procès.

C'est un pari réussit pour l'exposition Controverses qui présentent sans démesure des images qui ont bouleversé et choqué plusieurs générations. On pouvait craindre une mise en scène trop provocante et voyeuriste mais le fond épouse la forme. Le discours n'est pas moralisateur ou hypocrite, il tend simplement à montrer comment l'image est perçue et habilité par une société en constante évolution. Sans aucune prétention exhaustive, les commissaires de l'exposition ouvrent le débat sur le statut de l'image, sa représentation et son interprétation. Là, réside peut-être le point faible de cette exposition, qui en voulant aborder trop de thèmes différents, amalgame des photographies très sensibles telles que la petite fille mourante de faim prise par Kevin Carter à d'autres plus anecdotiques comme la barbie sodomisée par un batteur de cuisine de Tom Forsythe.

samedi 9 mai 2009

Into the Wild de Sean Penn (2007)



Christopher McCandless, jeune homme brillant de 22 ans, décide de quitter sa famille et sa vie confortable afin d'échapper à une société matérialiste qui le révolte. Pendant deux ans il explore, sous le pseudonyme de Alexander Supertramp, les paysages sauvages d'Amérique avant d'atteindre son but ultime, l'Alaska.


Into the Wild est l'adaptation du roman de Jon Krakauer, qui s'inspire de la véritable histoire de Christopher. Le film retrace les événements que le protagoniste a confié à son carnet de voyage sans jamais chercher à les interpréter. Sa sœur devient la narratrice de cette expédition et tente de comprendre en quoi cette fuite était inévitable.

A l'aide de flash-backs et de flash-forwards, Sean Penn esquisse sobrement le portrait d'une famille qui fait bonne figure malgré les mensonges passés et les conflits parentaux. L'image qui est jaunie lorsque le passé est évoqué met en évidence la lassitude et le rejet de Christopher d'une vie violente et monotone. Une tension dramatique naît de ce montage qui sélectionne et met en parallèle les différentes étapes de son parcours initiatique.

Le spectateur accompagne Alexander, grandit avec lui, passe de l'adolescence rebelle, impulsive et pleine d'idéaux à la découverte du monde, de la maturité et de la sagesse. A travers plusieurs citations tirées de son journal de bord on ressent la profonde humanité qui anime le jeune homme et son besoin d'échange. Pour lui « Le bonheur n'est réel que lorsqu'il est partagé ». La simplicité et la générosité des personnes qu'ils croisent apaisent sa colère et le réconcilie avec l'homme tout en laissant intact son désir d'être seul « into the wild ».

La nature est au cœur de cette épopée des temps modernes. Elle est à la fois miroir et métaphore de la quête spirituelle de notre héros solitaire. Celui-ci semble tirer sa force de ses paysages qui deviennent tour à tour luxuriants, arides, désertiques et polaires. Ils poussent Alexander à braver l'interdit lui offrant ainsi la liberté et la paix intérieure. Le travail remarquable du chef opérateur, Eric Gautier, souligne la dualité d'une nature qui apparaît en premier lieu comme protectrice et généreuse puis impitoyable et insaisissable. Qu'ils soient filmés en panoramique, en longue focale ou en gros plans, les moindres éléments sont captés avec grâce et retranscrivent l'essence même de cet environnement enivrant.

Into the Wild est une hymne à la liberté qui s'adresse à chacun d'entre nous. Très rapidement on s'identifie à Alexander Supertramp et à son incapacité à trouver sa place dans une société individualiste. Sean Penn réussit avec brio à mettre en image cette quête d'identité qui se transforme en un voyage spirituel où le partage et le retour à la nature apparaissent comme des éléments simples et nécessaires pour accéder au bonheur. La bande-originale, composée et interprétée par Eddie Vedder, ajoute une fluidité aux événements qui nous sont contés dans cette odyssée contemporaine. Au sortir de ce film, une envie soudaine de croquer la vie à pleine dents et de partir voir du pays nous envahie. On se ressaisit, mais l'idée est toujours là. Alors, on imagine de nouveaux horizons en espérant les voir bientôt...

vendredi 8 mai 2009

Bruxelles, Ma Belle





Pour les amoureux des petits week-end à deux, des escapades entre amis ou encore d'une évasion en solitaire, Bruxelles est un bon choix pour changer d'air. On sous estime bien trop souvent le potentiel « d'exotisme » des pays limitrophes. Certes à Bruxelles on parle français, mais aussi wallon, allemand, hollandais, anglais, espagnol, etc... La mixité de cette ville est impressionnante et vous garantie un véritable dépaysement. Ce mélange de cultures peut même parfois vous faire oublier que l'on parle français dans les magasins!

Le style architectural très varié de Bruxelles est à l'image de sa population diversifiée. Si la ville est connue pour être une des capitales européennes du mouvement artistique Art Nouveau elle allie également des constructions au style Art Déco et Moderne. De la Grand Place et ses petites ruelles, au quartier populaire des Marolles, en passant par les bâtiments modernes du quartier Européen, le visiteur change à chaque fois de paysage. Il existe depuis 1991 un parcours spécial pour les amateurs de bandes-dessinée qui propose une vingtaine de fresques peintes sur les façades de la ville par de célèbres artistes tels que Edgar P. Jacobs, Franquin, Geluck... On peut ainsi visiter Bruxelles à travers un itinéraire artistique qui se retrouve également sous-terre avec ses stations de métro décorées de manière moderne et contemporaine. Pour les plus téméraires ou les plus fainéants, l'idéal est de se déplacer à travers le labyrinthe de lignes de tramway de la capitale qui permet un gain de temps considérable!

Comme dans beaucoup de régions d'Europe du Nord, la chaleur humaine prend le pas sur le climat froid et humide. Ici, pluie et sourire ne sont pas incompatibles, loin de là. Que l'on se promène dans le centre-ville où dans les quartiers alentours on retrouve la générosité et la sympathie de leurs habitants.

La richesse culturelle de Bruxelles ne laisse pas à ses habitants le temps de s'ennuyer. Entre concerts, expositions et festivals, le touriste, tout comme le Bruxellois, n'a que l'embarras du choix. Parmi les multiples musées de la ville il est recommandé de visiter en priorité celui des instruments de musique (le MIM) qui propose la découverte de plusieurs centaines d'instruments disposés sur quatre étages. Le visiteur explore ainsi différentes époques, équipé d'un casque infrarouge qui donne la sonorité de chacun des instruments exposés. A faire donc pour le plaisir des yeux et des oreilles.

Bien que la gastronomie belge soit surtout connue pour ses frites on peut être surpris par la saveur de certains plats comme le beignet de crevettes ou encore le traditionnel potage accompagné de ses tartines beurrées. Il va de soi que l'on peut agrémenter le tout par une des 680 bières belges existantes! Parmi elles on retient principalement la variété des trappistes ou encore la gueuze. Pour découvrir l'authentique gueuze à la framboise ou à la cerise sans arômes ajoutés, une excursion dans la brasserie Cantillon est de mise. Toujours en service, cette brasserie est une des rares à respecter le processus naturel de fabrication de la bière. Après une visite libre dans les différentes salles, où fonctionne encore de superbes machines principalement faites de cuivre, on clôture notre excursion par une dégustation de gueuze au goût si particulier.

Pour les palais sucrés, la tentation sera constamment sur votre route. On compte un nombre incalculable de confiseries, de biscuiteries et bien sur de chocolateries où cohabitent spéculoos, gaufres et chocolats aux parfums très originaux. Si vous souhaitez un séjour sans bémol, mieux vaut éviter le Musée du Chocolat dont l'entrée s'avère chère pour une démonstration inintéressante et un parcours expéditif qui ne vous laissera qu'une amère déception.

Quelques jours suffisent pour s'attacher à Bruxelles et son ambiance cosmopolite. Les amateurs de culture seront comblés par la richesse de cette ville qui donne à voir et à partager. Les promeneurs ne se lasseront pas de flâner au marché aux Puces de la place du Jeu de Balle et de déambuler dans les ruelles alentour. Les fêtards trouveront toujours un pub convivial pour déguster une bonne bière belge. Bruxelles, métropole à taille humaine, rayonne par son histoire, sa modernité, son ouverture et sa culture.